00   Emission Quotidienne
« Salut les Copains », une Emission Musicale Quotidienne
En octobre 1959, Salut les copains devient une émission quotidienne du lundi au vendredi, de 17 à 19 heures. Son titre est emprunté à une chanson de Gilbert Bécaud sortie en 1958. D’ailleurs, elle n’a rien à voir avec la musique aimée par les jeunes, puisque qu’elle raconte un voyage en Italie d’un banlieusard qui s’arrache à la France et à son quotidien. Peu importe : Salut les copains va immédiatement trouver son public. L’émission présente l’actualité musicale avec un hit-parade et de fréquents appels aux auditeurs pour qu’ils écrivent et fassent connaître leurs préférences. La chanson « chouchou de la semaine » est diffusée trois fois au cours de chacune des cinq émissions de la semaine ; le "coup de chapeau" fait entendre à la suite plusieurs versions d’un même titre… L’émission est en complète connivence avec les maisons de disques, qui tiennent compte des positions au classement de Salut les copains et même consultent l’équipe d’Europe 1 sur leurs signatures.
Naissance du Rock Français : Car Salut les copains est complice de la naissance du rock français, avec Richard Anthony, Daniel Gérard, Danny Boy, Rocky Volcano ou la chanteuse Gélou… Et, malgré l’hostilité au départ du patron de la programmation d’Europe 1, Lucien Morisse, Salut les copains sera la machine de guerre de Johnny Hallyday, ainsi que des Chaussettes Noires et de toute la génération d’artistes qui éclosent à partir de 1960 et 1961. Dès lors, à la sortie des classes, c’est la ruée vers les transistors et le jingle « SLC, salut les copains » deviennent un élément majeur du paysage sonore. On estime que la moitié des collégiens écoutent l’émission ! Chaque jour est diffusée au moins une nouvelle chanson en français, ce qui aiguillonne toute l’industrie du disque émerveillée par l’eldorado rock. Quand les petites radios à transistor et à piles sont apparues. Salut les copains expliquent une part du boom de l’équipement en postes de radio qui, en ville, dépasse le nombre de foyers.

Programmation Musicale de « Salut les Copains »
En 1959, la musique rock’n’roll n’est pas encore installée en France, mais Daniel Filipacchi et Frank Ténot ont le flair d’anticiper, bien avant les autres, son puissant accostage en France. Les chansons « nouvelle vague » (terme inspiré par le jeune cinéma français d’alors) s’illustrent à travers Richard Anthony plutôt cool ou un balbutiant, mais énergique Johnny Hallyday. Ces chansons-là sont le plus souvent des adaptations françaises qui lorgnent vers Bill Haley ou Elvis. C'est grâce au hit-parade, alors naissant - mais déjà manipulé par les maisons de disques -, que les auditeurs découvrent ces mélodies à la gloire du rock'n'roll, témoins d’une époque insouciante. Les réussites seront nombreuses, mais les nanars tout autant. En France, comme dans le reste de l’Europe, le rock’n’roll est une vague déferlante qui emporte tout sur son passage. Pour les ados, c’est un courant libérateur qui ne souffre d’aucune comparaison, même si ses caractéristiques symptomatiques sont à la limite de la caricature. En réalité, cette musique-là souffre de sa mauvaise image liée par l’attitude de ses vedettes, mais aussi par le cinéma qui s’empresse de récupérer ses soi-disant travers. Dans des films, liés de près ou de loin au rock'n'roll, le 7e art suggérait aux cinéphiles que cette musique-là détenait une puissante : James Dean et « La fureur de Vivre », Marlon Brando et « L’équipée sauvage », Elvis Presley et « Le rock du bagne »…

Style de Daniel Filipacchi
Au micro, Filipacchi est le meneur de jeu. Il joue copain/copain en tutoyant les artistes comme les auditeurs à qui il donne la parole. Grâce à la rubrique « Autour d’un magnétophone » (qui existera également dans le magazine), les ados évoquent librement leur existence en famille, leurs amis, mais aussi leurs envies et leurs rencontres avec les filles ou les garçons. Ce micro ouvert, à l’écoute d’une jeunesse qui hier encore était silencieuse, est révolutionnaire. Ce ton, tout nouveau sur les ondes françaises, crée le « style Filipacchi ». L’émission est entrecoupée de jingles qui sont là pour apporter encore plus de dynamisme à l'ensemble. Nouveau aussi, cette technique inspirée par les DJs des stations américaines et qui consiste à parler durant le lancement du disque. De plus, l’animateur n’hésite pas à importer de nombreux enregistrements tendances pour partager avec les auditeurs les chansons qui lui plaisent. Filipacchi jouit d’une totale liberté et intervient dans l’émission quand bon lui semble. Il est le seul maître à bord, et c’est le courrier abondant qu’il reçoit chaque jour qui lui sert de baromètre dans ses choix musicaux. De leur côté, pour les maisons de disques, c’est la bonne affaire, car même s’ils croient que cette mode est passagère, ils signent à tour de bras des artistes et groupes débutants et inexpérimentés, et de plus, de multiples diffusions de cette émission qui flirte avec le million d’auditeurs !
De 1962 à 1967, l’apogée de SLC : En 1962 c’est l’explosion du twist. Tout le monde s’y met, y compris les adultes. Désormais, la musique rythmée ne fait plus peur. Oubliés les « blousons noirs », remplacés par les « yéyés », un peu simplistes mais si sympathiques. Filipacchi, via son émission, « invente » les Idoles des jeunes que sont Hallyday, Anthony, Mitchell, Rivers, Vartan, Hardy, Clark… que l’on n’appelle que par leurs prénoms : Johnny, Richard, Eddy, Dick, Sylvie… sans oublier les incontournables Clo-Clo et Sheila. C’est l’esprit « copains », des bandes.

JOHNNY HALLIDAY
SYLVIE VARTAN
EDDY MITCHELL
SHEILA